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Lenteur

Pour arriver promptement, ne pas se presser, mais assurer solidement chacun de ses pas.

François Baucher
Photo par L’Atelier des Mirettes

Les chevaux sauvages ou qui vivent en permanence au pré passent la majeure partie de leur budget temps à se déplacer très lentement, pied par pied, en broutant. Le pas tel qu’il est généralement conçu sert aux déplacements plus importants, par exemple pour se rendre vers un point d’eau ou une zone abritée. Le trot et le galop restent réservés chez le cheval en liberté à des situations spécifiques comme le jeu ou la fuite.

En équitation, on souhaite le pas lent ; tonique, mais lent. « Écouté » disaient les Anciens, au geste réfléchi, mesuré. L’homme de cheval sait que la lenteur est gage de sérénité, de confort et de sécurité pour sa monture comme pour lui-même.

Des bases solides s’établissent lentement, c’est ce qui garantit leur bonne compréhension et assimilation, et donc leur qualité et leur solidité. On peut tenter de prendre des raccourcis – mais c’est la lenteur qui fait en fin de compte « gagner » du temps : on ne sera pas obligé de revenir sans cesse en arrière pour combler les lacunes crées en voulant avancer trop vite.

Un pansage effectué comme si on avait tout le temps du monde est bien plus agréable pour le cheval que s’il sent l’humain pressé d’en finir.

Le jeune cheval auquel on n’aura pas inculqué de bonnes bases à pied risque de se retrouver en difficulté face aux demandes du cavalier toute sa vie.

Un cheval, à fortiori d’âge, ne pourra effectuer une séance de travail bénéfique que si le temps pris pour la détente a été suffisant – quitte à ce que ce soit quinze, vingt, voire trente minutes.

Le temps accordé pour la construction des capacités physiques et mentales, pour la mise en place d’une locomotion juste autorise ensuite d’aborder les exercices plus difficiles avec bien plus d’aisance et de décontraction.


« Perdre » du temps au début pour en « gagner » ensuite est une stratégie efficace dans de nombreux contextes. Préparer tous les ingrédients d’une recette avant de commencer à cuisiner. Rassembler tous les outils et prendre des mesures avant de se lancer dans des travaux. Se documenter un minimum, voire se former avant d’entamer un projet. C’est le temps pris pour et le soin apporté aux étapes préparatoires qui permettent d’éviter bon nombre d’écueils et qui se ressentiront dans un résultat abouti.

Et certaines choses ont parfois simplement besoin de se faire lentement. Ne serait-ce « que » les relations humaines qui ont besoin, pour se construire et s’entretenir, de temps pour former la connaissance et la confiance mutuelles. Le corps a besoin d’une durée incompressible pour se remettre d’une blessure ou d’une maladie, même d’un simple refroidissement. L’esprit a besoin de temps pour vivre un deuil, un changement.

Accepter cet état des choses, c’est s’armer de patience et s’investir dans le processus. Le chemin devient aussi, si ce n’est plus, important que la destination. En allant lentement, on dispose de l’espace nécessaire pour se rendre compte de ce qui se passe, de rectifier des erreurs, mais aussi pour laisser œuvrer l’inspiration et les suggestions extérieures.

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