Présence
Le cheval, comme tout animal, vit toujours dans le moment présent, dans l’ici-et-maintenant. Il ne pense pas à la ration de granulés qui sera servie dans quelques heures, ni à l’altercation qu’il a eue le matin avec un congénère. Il agit dans l’instant – il cherche à atteindre la belle touffe d’herbe ou remet à sa place un autre cheval trop envahissant.
Aussi, les meilleurs moments vécus avec les chevaux sont ceux vécus pleinement, présent à cent pourcent dans l’instant. C’est là que l’humain se rapproche le plus de la perception du monde qu’en a le cheval. On entre dans une sorte de bulle, un peu hors du temps, sans beaucoup de passé et sans penser au futur. On est là, avec le corps et l’esprit.
C’est particulièrement nécessaire dans le travail avec le cheval. Sans cette présence, il ne peut y avoir de proprioception, de concentration, de tact, d’ingrédients indispensables à un travail juste qui ne soit pas simplement du kilomètre-cheval.
Presque tous les cavaliers ont pu vivre leur plus fortes émotions, les sensations les plus brillantes, dans un contexte de pleine présence avec leur monture. Le monde environnant cesse d’exister, le temps de quelques foulées où seul compte le ressenti de l’immédiat.
A force de toujours penser à la prochaine tâche à faire, la liste de courses, l’ami à ne pas oublier d’appeler pour son anniversaire, à ressasser la prise de bec avec un collègue de travail, on vit en permanence dans une semi-absence de la vie, une partie de la tête dans un passé non modifiable ou un futur hypothétique.
Les heures, jours, mois, passent inaperçus dans un brouillard constant de sur-sollicitation de l’esprit qui empêche parfois même de profiter des personnes et choses qu’on apprécie le plus. On fonctionne, on déroule, mais on ne « vit » pas réellement.
Être présent dans le moment même et l’activité qu’on est en train de faire, sans penser à tout le reste, est déjà en soi un puissant moyen anti-stress. Quand on accorde toute son attention à l’instant, on peut y mettre tout le soin nécessaire. On peut profiter des beaux moments.
Même dans les passages difficiles, être totalement présent peut paradoxalement aider les les vivre mieux en accordant une vraie réalité, une place réelle aux peines, aux doutes, à toutes les émotions plutôt que de les enfouir sous une couche de mille autres occupations de l’esprit.
La vie est courte – mais en se consacrant plus souvent à l’instant présent, on la vit bien plus intensément qu’à s’obnubiler sans cesse par la danse des pensées qui n’ont pas trait à l’ici-et-maintenant.